Carole Schneider (Carole Bouquet, dans un de ses premiers rôles, plutôt déshabillé) est une jeune femme charmante autant qu'excentrique. L'insouciance d'une vie aisée et d'un milieu bien-comme-il-faut la laisse toutefois insatisfaite. Son petit ami semble bien incapable d'apporter la moindre réponse à ses demandes émotionnelles. Pour attirer l'attention sur elle, elle dénonce comme dangereux terroristes ses paisibles voisins. Par ce petit détail, le réalisateur pointe la paranoïa, savamment entretenue par le gouvernement, qui avait touché la société allemande pendant les "années de plomb". Ses outrances amènent Carol dans un asile psychiatrique assez étrange, qui peut être vu comme la métaphore d'une société avide de se débarrasser de tous ses "gêneurs". Werner Schroeter signe ici une oeuvre qui, si elle renoue avec la structure narrative linéaire (après une série de films-collages expérimentaux), utilise pour traduire l'état d'esprit de sa protagoniste des séquences hallucinées, dont le montage sert à créer une désorientation spatiale et temporelle. L'essentiel de la signification du film est délivré par le corps de Carole, ses expressions faciales et sa gestique, bien plus que par les dialogues. Un film âpre et complexe qui fait voler en éclat toutes les prison-asiles du désir.